Maison de Victor Hugo à Guernesey

 

12 décembre 1852 – 5 septembre 1870

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Le Prince Louis Napoléon Bonaparte est le neveu de Napoléon Ier, fils d’Hortense de Beauharnais et de Louis Roi de Hollande. Après des tentatives avortées pour soulever la garnison de Strasbourg (1836) et pour s’emparer de Boulogne (1840), il est enfermé au fort de Ham. C’est là qu’il écrit l’Extinction du paupérisme, dont la tendance sociale plut à Hugo. Il s’évade en 1846, ayant revêtu le costume d’un maçon du nom de Badinguet (selon la tradition en tout cas, ce nom deviendra le surnom de l’Empereur), et s’enfuit en Angleterre. Il revient en France en septembre 1848 ; il avait été élu député à l’Assemblée Constituante en juin. En octobre, il rend visite à Hugo pour solliciter son appui en vue de sa candidature à la présidence de la République. Hugo, séduit par les principes d’ordre que suppose le seul nom de Bonaparte, et par les idées sociales progressistes du candidat, fait aussitôt campagne pour lui dans le journal de ses fils l’Evénement. Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte est élu triomphalement. Il prête serment à la Constitution. Hugo soutient sa politique à la Chambre, tout en percevant les signes avant-coureurs d’un coup d’Etat, puis (au printemps 1850) entre dans l’opposition de gauche, et, le 10 février 1851, attaque pour la première fois le prince président du haut de la tribune, au sujet de la dotation. Dans son grand discours du 17 juillet 1851, il dénonce les ambitions du prince président et lance cette phrase fameuse :

« Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit ! »

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, le prince président fait son coup d’Etat. L’Assemblée est dissoute ; les députés de la gauche, dont Hugo est un des chefs, sont poursuivis ; par affiches apposées dans la nuit, les Français apprennent que le prince président sollicitera la présidence pour dix ans, avec des pouvoirs étendus. Les 21 et 22 décembre, un plébiscite l’approuve, par 7 439 216 voix contre 640 737. Le 14 janvier, la nouvelle Constitution est promulguée. Le 21 novembre 1852, un plébiscite approuve la transformation du prince président en Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

Ayant appris la nouvelle du coup d’Etat à 8 heures du matin, le 2, Hugo va retrouver les députés de la gauche, rue Blanche, et participe à l’organisation d’un comité de résistance. Le 3, il arrive au Faubourg Saint Antoine au moment où le député Baudin est tué, et tente, avec quelques collègues, de soulever les ouvriers, sans succès ; le 4, il va encourager la résistance. Mais celle-ci s’éteint après la fusillade sur les Boulevards. Cependant, Hugo doit se cacher, et , grâce au dévouement de Juliette Drouet, trouve un abri sûr. Le 7, il reçoit un faux passeport au nom de l’ouvrier imprimeur Lanvin ; le 11, déguisé en ouvrier, il prend le train pour Bruxelles, où il arrive le 12. Le 9 janvier, il est officiellement expulsé du territoire français, avec 65 autres députés ; il est proscrit. Il est certain que la police a, sinon favorisé, du moins accepté avec satisfaction son départ. S’il était resté, on aurait dû l’emprisonner, mesure qui aurait considérablement gêné le gouvernement, vu la gloire de l’écrivain.

LES DATES ET LES LIEUX

BELGIQUE (12 décembre 1851 – 1er août 1852)

Victor Hugo arrive seul à Bruxelles le 12 décembre 1851. Juliette, chargée de la malle aux manuscrits, le rejoint le 13. Le 14, il écrit à Adèle : « Acteur, témoin et juge, je suis l’historien tout fait. » Il se lance dans l’écriture de « Napoléon le Petit ».
Le 5 janvier il s’installe au 16 de la Grande Place à Bruxelles, dans une chambre qu’il qualifie de
« halle immense, avec trois fenêtres qui ont vue sur cette magnifique place de l’hôtel de ville ».

Le 9 janvier 1852, Victor Hugo figure sur la liste des expulsés.

Malgré les pressions de la France, les autorités belges acceptent ce proscrit célèbre. Restée à Paris, Adèle Hugo veille aux questions matérielles et fait le lien avec ses fils, emprisonnés à la Conciergerie.

Le 1er février 1852, Victor Hugo s’installe au 27 de la Grande Place à Bruxelles. « Deux chambres, dont une a du feu ». Son nouvel appartement est situé au dessus du bureau de tabac de Mme Cébère qui se proclamait « mères des proscrits ». C’est courant février que Charles est libéré et qu’il gagne Bruxelles.

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Craignant les confiscations des biens en France, Victor Hugo, avec l’aide d’Adèle, pris des dispositions pour la vente de leur mobilier. L’événement, auquel la presse se fit écho, eut lieu à Paris, rue de la Tour d’Auvergne en juin 1852, la foule fut nombreuse, mais la vente ne rapporte que 14 000 F.
Victor Hugo écrit d’un trait un virulent réquisitoire « Napoléon le Petit » :

« Se faire de la France une proie, grand Dieu ! ce que le lion n’eût pas osé, le singe l’a fait ! ce que l’aigle eût redouté de saisir dans ses serres, le perroquet l’a pris dans sa patte ! La civilisation, le progrès, l’intelligence, la révolution, la liberté, il a arrêté cela un beau matin, ce masque, ce nain, ce Tibère avorton, ce néant! »


Ayant promis de quitter le sol belge à la suite de l’écriture de ce pamphlet, il quitte Anvers pour Londres le 1er août 1852 avec Juliette et Charles, au milieu de nombreux proscrits auxquels il adressa un discours d’adieu. Sur le quai se trouvait Alexandre Dumas qui, fuyant ses créanciers, avait dû quitter la France.

JERSEY (5 août 1852 – 31 octobre 1855)

Le 5 août, Victor Hugo est accueilli à Saint Helier, sur l’île de Jersey, par sa femme, sa fille, Auguste Vacquerie et par de nombreux proscrits.

Le 16 août, Victor Hugo et sa famille s’installent sur la grève d’Azette, dans la maison baptisée Marine Terrace : « C’est une cabane, mais dont l’océan baigne le pied ». « Un corridor pour entrer au rez de chaussée, une cuisine, une serre et une basse cour, plus un petit salon ayant vue sur le chemin sans passant et un grand cabinet à peine éclairé ; au premier et au second étage, des chambres propres, froides, meublées sommairement, repeintes à neuf, avec des linceuls blancs aux fenêtres. Tel était ce logis. Le bruit de la mer toujours entendu ».

 

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Publié clandestinement en deux formats le 7 août à Bruxelles, chez Tarride, par l’entremise de Hetzel, « Napoléon le Petit » est immédiatement épuisé. On le réimprime dès l’automne ; en septembre paraît la traduction anglaise. A la fin de l’année, il atteind 38 500 exemplaires, chiffre considérable, rapportant à l’auteur 11 439 F. Il connaît un grand succès dans toute l’Europe et , malgré une surveillance accrue aux frontières, est introduit clandestinement en France. Le petit format in-32 de ce livre favorisait la contrebande. « On me dit que mon petit livre s’infiltre en France et y tombe goutte à goutte sur le Bonaparte. Il finira peut être par faire le trou. » (29 août 1852).

Napoleon le petit

Jersey, où l’on parle français, accueille alors nombre d’exilés politiques qui ne tardent pas à se ranger derrière Victor Hugo. Le 31 octobre 1852, à la veille du rétablissement de l’Empire (proclamé le 2 décembre 1852), Victor Hugo rédige une déclaration que tous approuvent.
En janvier 1853, Victor Hugo annonce à son éditeur Hetzel : « Je fais en ce moment un volume de vers qui sera le pendant nécessaire et naturel de Napoléon le Petit : Les Châtiments.. Ce titre est menaçant et simple, c’est à dire beau ».
« Ce livre ci sera violent. Ma poésie est honnête, mais pas modérée. J’ajoute que ce n’est pas avec de petits coups qu’on agit sur les masses. Dès à présent, comme homme politique, je veux semer dans les coeurs, au milieu de mes paroles indignées, l’idée d’un châtiment autre que le carnage. Nous serons modérés quand nous serons vainqueurs. Etre violent, qu’importe ? Etre vrai, tout est là. »

Animé d’une haine farouche envers Napoléon III, Victor Hugo éclate en imprécations, fustige et raille l’usurpateur et le régime en place avec une virulence extrême, une verve incomparable et une ironie mordante. Il manie la satire et l’insulte avec virtuosité et jette l’anathème sur les acteurs du 2 décembre. Totalisant plus de 6 000 vers, Les Châtiments paraîssent clandestinement le 21 novembre 1853 à Bruxelles en deux éditions (une complète et une expurgée). Mais l’ouvrage ne rencontre pas le succès escompté, et Victor Hugo, dont la situation financière est alors précaire, n’en tire aucun profit. Les libraires belges restent prudents. Les frontières sont très surveillées et peu d’exemplaires pénètrent en France.

Les Chatiments

C’est à cette époque, que ses fils et Auguste Vacquerie se passionnent pour la photographie, encore à ses débuts. La publication (restée à l’état de projet) d’un livre sur les îles anglo-normandes illustré de photographies est même envisagée. Les nombreuses épreuves sur papier de cette époque restituent les traits du poète, de sa famille, de ses amis et du cercle des proscrits.

C’est aussi à cette époque (septembre 1853) que Delphine de Girardin, femme de lettres renommée, initie le clan, d’abord réticent, aux tables parlantes, très en vogue à Paris. L’au-delà est censé s’exprimer à travers un petit guéridon à trois pieds. Délaissée dans sa maison, Juliette reste sceptique. Après quelques essais infructueux, le 11 septembre, Léopoldine se manifeste sous le nom d’Ame soror. Ces longues scéances de spiritisme, où Charles Hugo est tenu pour un excellent médium, s’intensifient. On en transcrit scrupuleusement les comptes rendus dans le Livre des Tables, l’esprit s’exprimant en prose ou en vers, souvent dans une tonalité bien hugolienne. D’étranges conversations sont echangées avec Racine, La Civilisation, La Poésie, Marat, Rousseau, Napoléon, André Chénier, Machiavel, Shakespeare, Eschyle, Molière, Le Drame, La Mort, Galilée, Jésus Christ, Platon, Isaïe, l’Ombre du Sépulcre, l’Anesse de Balaam et le Lion d’Androclès. L’inspiration poétique se nourrit de ces échanges. Mais en octobre 1855, la crise de démence d’un des participants marque la fin des scéances spirites.

En janvier 1854, la condamnation à mort de Tapner, criminel guernesiais, inspire à Victor Hugo un appel « Aux habitants de Guernesey » afin d’obtenir la grâce du condamné. Mais malgré trois sursis, l’exécution a lieu le 10 février. Le lendemain, le poète exprime sa profonde indignation et son horreur devant les circonstances atroces de l’exécution dans la « Lettre à Lord Palmerston », ministre de l’intérieur, soupçonné d’avoir cédé aux exigences de Napoléon III.

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En avril 1855, dans une « Lettre à Louis Bonaparte » il proteste violamment contre la visite de l’Empereur à Londres. Le 10 octobre, L’Homme (journal des proscrits à Jersey) publie une lettre ouverte à la Reine Victoria dans laquelle Félix Pyat, républicain français réfugié à Londres, s’oppose à la visite de la souveraine à Paris. Les jersiais réagissent vivement. Sur ordre du gouvernement anglais, trois proscrits sont expulsés. Le 17, concluant par les mots « Et maintenant expulsez nous ! », Victor Hugo signe une déclaration de solidarité, approuvée par trente cinq proscrits, parmi lesquels ses deux fils et Auguste Vacquerie. Expulsé à son tour, il quitte Jersey le 31 octobre, avec François Victor et Juliette.

GUERNESEY (31 octobre 1855 – 15 août 1870)

Victor Hugo arrive à Saint Pierre Port ce même 31 octobre 1855, où une foule nombreuse l’accueille. Ils s’installent à L’hôtel de l’Europe, chambres 16 et 17 pour 5 F par personne et par jour tout compris.

Mme Hugo, sa fille, Charles et le fidèle Auguste Vacquerie le rejoignent et la famille s’installe dans une maison meublée au 20 rue de Hauteville. Victor Hugo a signé avec M Domaille, propriétaire, un engagement de location en avance sur le loyer annuel de 32 livres guernesiaises, soit 768 F, taxes et impôts inclus, il a versé 192 F et s’engage à occuper la maison au moins un an, à moins d’allien bill ou d’expulsion. Il la meublera par un mobilier loué moyennant 360 F par an à M Master, des meubles très simples. Adèle écrit le 25 novembre 1855 à Mme Paul Meurice : « Notre maison est belle, la pleine mer est en bas… Nous voyons de nos fenêtres toutes les îles de la Manche et le port qui est à nos pieds. C’est une vue splendide. Le soir, au clair de lune, cela tient du rêve. Tout juste un jardin, à peine un prétexte à fleurs. Nous avons une serre, mais elle n’est pas de plein pied avec le jardin. Il faut aller la chercher….elle est bien entendue du reste, il y a des gradins pour les fleurs et beaucoup de raisin. Il y a un salon très grand avec trois fenêtres à la française et à balcon. C’est là que nous nous tenons. »

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« Je n’ai encore bâti sur mon sable que des Giseh ; il est temps de construire Chéops ; Les Contemplations seront ma grande Pyramide », écrit Victor Hugo à Hetzel le 31 mai 1855. Il achève alors cette oeuvre lyrique, qui paraît simultanément, en avril 1856, à Bruxelles et à Paris. Les Contemplations, que Hugo lui même qualifie de « poésie pure », regroupent des pièces de dates très diverses : certaines écrites avant la mort de Léopoldine, mais la plupart composées entre 1846 et 1855, principalement à Jersey. ‘C’est ce qu’on pourrait appeler « Les Mémoires d’une âme ». Divisé symétriquement et symboliquement en deux parties : « Autrefois (1830 – 1843) » et « Aujourd’hui (1843 – 1855) », le recueil, de plus de 11 000 vers, est savamment orchestré en six livres. La mort de Léopoldine est au centre de l’ouvrage. Le poème « A celle qui est restée en France » en est un sommet. Une idée maîtresse s’en dégage, celle que l’exil s’apparente au tombeau. Le poète exprime sa nostalgie du bonheur disparu. Il médite sur la misère et la souffrance, la vanité des biens terrestres, le destin de l’homme, la fatalité, l’immortalité de l’âme, l’infini et le sens de l’univers.

Demain des l'aube

Les Contemplations, dont la presse française se fait largement l’écho, rencontrent un succès immédiat.

Alexandre Dumas écrit : « Votre nouveau livre n’ajoute rien à ma tendresse et à mon dévouement pour vous ; mais il grandit mon admiration à la hauteur de votre génie ».

George Sand exprime son enthousiasme à Hetzel :« Ce que j’ai lu est magnifique et je ne crois pas qu’on ait jamais fait en France rien de plus beau dans cette gamme ».

La vente des Contemplations permet à Victor Hugo d’acquérir en mai, pour 24 000 F une maison (baptisée plus tard Hauteville House) au 38 rue de Hauteville.« La maison de Guernesey sort toute entière des Contemplations. Depuis la première poutre jusqu’à la dernière tuile, Les Contemplations paieront tout. Ce livre m’a donné un toit. » Adèle, très réservée, y voit une façon de s’ancrer dans l’exil. Hugo concentre toute son énergie à l’aménagement de cette demeure. La famille y emménage le 5 novembre 1856, la maison est remplie d’ouvriers. Justifiant les craintes d’Adèle, Hauteville House devient une création hugolienne, « un véritable autographe en trois étages » dira Charles. Propriétaire, Victor Hugo se trouve à l’abri de toute menace d’explusion et doit s’acquitter du poulage, survivance féodale consistant à donner à la Reine deux poules ou la somme correspondante.

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Le 16 août 1856, Victor Hugo écrit à Jules Janin : « Figurez vous qu’en ce moment je fais bâtir presque une maison ; n’ayant plus la patrie, je veux avoir le toit. »

La passion du poète pour la brocante et la décoration s’exerça sans limite à Hauteville House, témoin de son inépuisable créativité et de son goût pour la profusion. Suivant ses directives et ses croquis détaillés, une équipe dirigée par l’ébéniste guernesiais Mauger mit en place, durant trois ans, le foisonnant décor intérieur, agencement de coffres, de pièces de mobilier, de miroirs, de tapisseries, dénichés dans l’île, et réalisa les immenses bahuts nés de son imagination. Devises et inscriptions abondent. On inaugura la salle à manger le 14 mai 1857. Le décor de carreaux de Delft recouvrant les murs, objet de nombreux projets, culmine avec la cheminée surmontée d’un double H (Hauteville House – Hugo) et couronnée d’une Vierge à l’Enfant. Dans les angles, les carreaux dessinent les initiales VH que l’on retrouve partout dans la maison. Au dernier étage, le cabinet de travail, où Hugo écrivit une grande partie de la Légende des Siècles, sera prolongé en 1861 par le look out, une chambre de verre dominant la mer.

Petit à petit, la vie de la famille s’organise. Mme Hugo rédige un livre de souvenirs, qui paraît en 1863 sous le titre « Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie ». Charles publie « Le cochon de Saint Antoine » en 1856, puis « La Bohème dorée » en 1859. François Victor, seul de la famille à savoir parler anglais, se consacre à la traduction des oeuvres complètes de Shakespeare qui, publiée entre 1858 et 1866, fait encore autorité. Adèle, de santé mentale très fragile, joue du piano et compose. A partir de 1858, sa mère l’emmène plusieurs mois par an à Paris ou à Bruxelles.

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Le 18 août 1859, dans une courte déclaration, Victor Hugo refuse publiquement l’amnistie de tous les condamnés politiques. « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis à vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai. »
De nombreux prsocrits rentrent. Commence alors l’exil volontaire. De cet isolement dont il tire admirablement parti, Hugo sait préserver son immense prestige entretenu, malgré la censure impériale, par une abondante correspondance.

A Guernesey, Victor Hugo écrit beaucoup. Après La Légende des Siècles, un autre recueil de poésies, Les Chansons des rues et des bois, puis un nouveau drame, Torquemada, puis un roman, Les Travailleurs de la mer. En 1860, il reprend le manuscrit des Misères, qui deviendra Les Misérables, et sera publié en Belgique et en France en 1862.

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L’ équilibre familial se modifie. Les séjours de Mme Hugo à Paris s’allongent. En juin 1863, en l’abscence de sa mère, Adèle s’enfuit au Canada, à Halifax, à la poursuite du lieutenant Albert Pinson, rencontré à Jersey. Elle ne reviendra jamais à Guernesey et ne reverra ni sa mère, ni Charles. Voulant échapper à son père, ce dernier s’est fixé à Paris en 1861, puis à Bruxelles, où Mme Hugo et François Victor s’installent en 1865. En ocotobre, Charles s’y marie avec Alice Lehaene. Victor Hugo demeure à Hauteville House avec sa belle soeur. Entre 1862 et 1865, il séjourne chaque année avec Juliette en Belgique, au Luxembourg et sur les bords du Rhin.

A partir de mars 1862, Victor Hugo accueille à Hauteville House des enfants démunis. « Tous les mardis, je donne à dîner à quinze petits enfants pauvres, choisis parmi les plus indigents de l’île, et ma famille et moi nous les servons, je tâche par là de faire comprendre l’égalité et la fraternité à ce pays féodal. » Bientôt, une quarantaine d’enfant viennent dîner par moitié chaque semaine. L’initiative sera immitée en Angleterre.

Ecrit en 1863, « William Shakespeare » paraît à Paris et à Bruxelles en avril 1864, à l’occasion du tricentenaire de la naissance du dramaturge.

La famille dispersée se réunit à Bruxelles chaque été. En mars 1867 y était né Georges, fils de Charles, mort à un an ; le 16 août 1868, un deuxième fils voit le jour, également prénommé Georges. Le 27, Mme Hugo y meurt, à soixante quatre ans. On l’enterre à Villequier, près de sa fille Léopoldine, et Victor Hugo ne peut accompagner le cercueil que jusqu’à la frontière.

En 1869, publication de « L’Homme qui rit » qui est immédiatement traduit en douze langues.

A Paris, Charles, François Victor, Paul Meurice et Auguste Vacquerie, l’ancienne équipe de l’Evénement, fondent avec Henri Rochefort un quotidien dont Victor Hugo a suggéré le titre : « Le Rappel ».
Vingt ans après le Congrès de la Paix à Paris, le poète préside celui de Lausanne en septembre 1869. Il s’y exprime à nouveau en faveur des Etats Unis d’Europe et réaffirme ses idées sociales. A la fin du mois, il apprend la naissance de sa petite fille Jeanne, à Bruxelles, le 29 septembre. Le 14 juillet 1870, il plante symboliquement à Hauteville House
« le Chêne des Etats Unis d’Europe »
, en présence de Charles récemment condamné à la prison pour ses articles dans le Rappel.
Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse. Dans l’hypothèse d’un prompt retour, Hugo classe ses manuscrits et dépose trois malles à la Old Bank de Guernesey. Le 17 août, il arrive à Bruxelles. Il y apprend la défaite de Sedan et la capitulation de Napoléon III le 2 septembre. Le 5, la République ayant été proclamée et un gouvernement provisoire formé, Victor Hugo, accompagné de Juliette, de Charles et de sa famille, rentre en france après dix neuf années d’exil.

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