Maison de Victor Hugo à Guernesey

Correspondances – Adèle II 2ème partie

Correspondances – 1864 -1865

 

Adèle II 2ème partie :

 

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06 janvier 1864.
François-Victor à sa mère:
 » Ils me disent que la pauvre enfant néglige entièrement les soins nécessaires à sa santé, à peine se nourrit-elle; quand elle sort, par le froid glacé de ce pays-là, elle est à peine vêtue. Ses vêtements d’une belle qualité, me disent-ils, sont beaucoup trop légers pour ce rude climat… L’officier qui devait l’épouser est venu la voir deux ou trois fois seulement depuis qu’elle loge chez eux. Il y a plusieurs semaines qu’il n’est revenu. Et il semble qu’il l’ait tout à fait abandonnée. « 
 » Rien de nouveau de là-bas… Acceptera-t-elle notre avis ? ou s’entêtera-t-elle à la poursuite de l’impossible ? (…) Elle nous apprend que le drôle avait refusé de l’épouser à Londres, il y a deux ans, et qu’il compte épouser une autre femme au printemps prochain. Et pourtant elle persiste dans son projet, malgré cet humiliant aveu. Quelle folle passion ! Ne blâmons plus la pauvre enfant. C’est une malade qu’il faut sauver « .
Les propriétaires de miss Lewly, ainsi que se fait appeler Adèle II au Canada, ayant remarqué au dos d’une lettre le nom et l’adresse de François-Victor Hugo, ont pris sur eux de lui écrire, ignorant qu’il puisse exister des liens de parenté entre ces Hugo et cette miss Lewly.

 

21 février 1864.
V.H. à Adèle I :
 » La lettre que tu m’envoies prouve plus que tout à quel point il y a là désordre d’esprit absolu. La pauvre chère enfant est en plein déraillement. Est-ce à nous de dérailler aussi ? Ce mariage est impossible (de plus, il est hideux). Elle s’y acharne. Cela prouve hélas, sa maladie. Mais sommes-nous malades aussi ?  »  » Il n’y a qu’une chose à faire, et la voici : Sauver Adèle d’elle-même et accepter comme un immense bonheur pour elle le refus de ce misérable. Adèle est malade. Elle guérira. Ces tourments-là passeront; leur violence même les use. « 

 

13 mars 1864.
V.H. à Adèle I :
 » Il y a dans sa situation quelque chose d’involontaire, et aussi quelque chose de volontaire. C’est ce volontaire qui est redoutable, redoutable pour elle. C’est par sa volonté qu’elle se perd. « 

 

12 avril 1864.
V.H. à Adèle I : D’ailleurs, les choses vont s’aggravant :  » Ce misérable P. (Pinson) ne lui épargne aucune humiliation. Il affecte de passer en voiture sous sa fenêtre avec une femme. Sa fierté se révoltera-t-elle enfin ? Elle est si haute, à tort, avec les siens, comment est-elle si humble, là ? Quel abominable gueux ! Chose triste de penser quelle ennemie elle a en elle-même ! « 

 

Nuit 29 avril [1864] au 30.
Agendas de Guenesey, 5ème . :
Rêve. Mariage, ma fille. qui ?

 

12 juin 1864.
V.H. à Adèle I et Charles :
 » Tant qu’Adèle sera dans cet affreux péril, dans ce quasi- naufrage, dans cette submersion de son sens moral et de sa raison, j’aurai des heures d’amertume profonde. Car que faire ? Elle seule peut se sauver et elle ne le veut pas. « 

 

26 juin 1864.
François Victor Hugo à Adèle I :
Adèle poursuit la réalisation de son rêve à travers des chimères de plus en plus absurdes. La voilà qui songe à endormir ce monsieur par le magnétisme, et à l’épouser endormi. L’opération coûterait 5 000 francs qu’elle prie mon père de lui avancer sur sa dot…

 

A Madame Victor Hugo.
H.-H. Samedi 18 [février 1865].
Chère amie, je sors de la Banque. Il y a un mistake. M. Collings a paru fort étonné. L’argent a dû être arrivé à Halifax fin janvier. Il va écrire immédiatement à Londres, A. pourra toucher les 700 fr. à la banque d’Halifax (1) fin mars sans faute. Remercie Auguste de ma part pour toutes les excellentes choses qu’il écrit. – Quant à la lettre dont me parle ta dernière ligne, il m’est difficile de comprendre qu’il ait pu être bon que je ne fusse pas consulté. Mon Victor, j’attends avec impatience ton explication de la lettre anglaise d’Halifax. J’ai déchiffré çà et là des mots qui m’inquiètent (2). -Tu trouveras sous ce pli une lettre pour le Précurseur d’Anvers. Lis-la, puis cachette-la, mets-y un timbre poste, et envoie-la à Anvers. – Virginie a un mal de genou qui la tiendra pour quinze jours au lit, sans danger du reste, si elle est très prudente, ce que Corbin et moi recommandons. Comment va Lux? Mon Charles, je t’embrasse, mon Victor, je t’embrasse, chère femme, je t’em-brasse. A vous tout mon cœur, mes bien-aimés.
(1) Adèle était, à cette époque, à Halifax. – (2) Cette lettre concernait Adèle, mais ne connaissant pas l’anglais, Victor Hugo ne pouvait en savoir le contenu.

 

H.-H., 07 mars 1865.
A Madame Victor Hugo:
Chère amie, je reçois ta bonne et tendre lettre. Voici 1 000 fr. à vue sur Mallet frères. Je pense que notre lettre collective de dimanche vous arrive en ce moment et que Victor va me transmettre bien vite le renseignement très pressé que j’attends. Mon Victor, continue de m’envoyer tes relevés de fin de mois. Ils sont très bien faits, très clairs, et me sont utiles. J’ai comme toi l’ordre de la comptabilité. Hetzel m’écrit que M. Lacroix fait des difficultés pour entrer à conditions égales avec lui dans le traité de Bade. Il me semble que mon excellent éditeur de Bruxelles a tort. J’ai engagé Hetzel à le mettre dans l’affaire; plus tard M. Lacroix se plaindra de n’y pas être, et il me paraît que ce sera sa faute.
Chère amie, je suis pleinement de ton avis sur la bizarre abstention de Kesler (1). Mme Drouet y a vu un motif de redoubler de cordialité pour cette douce et excellente famille. Ton portrait de la mère Gaucher est vrai et fin. Elle demeurait aussi r. du Figuier-Saint-Paul.
La lettre d’Adèle est, comme tu dis, élevée et bonne. La souffrance et la concentration ont figé ce cœur, mais j’en pense le même bien que toi. L’heure venue, on sera étonné de toute la tendresse qui en dégèlera. Elle nous rendra l’arriéré.
Je vous serre dans mes bras tous les quatre.
(1) Kesler ne voulait pas se trouver chez Victor Hugo avec la famille de Putron.

 

17 décembre 1865.
Agendas de Guernesey, 6ème :
nuit du 16 au 17. Insomnie. Au point du jour une voix de femme a dit tout haut dans ma chambre : moi. C’était une voix douce et forte, ressemblant à la voix de ma fille Adèle.

 

18 décembre 1865.
Agendas de Guernesey, 6ème :
nuit du 17 au 18. Insomnie et de frappements. Autres phénomènes. Au point du jour la même voix a dit distinctement : Demain.