ESCALIER DU PREMIER AU DEUXIEME ETAGE
Le mur est recouvert de ce même feutre brun et vert à fleurs grises qui tapisse la première partie de l’escalier. Une grande applique armoirée, en bois sculpté et peint, fait pendant à celle du palier du premier étage.
Au tournant de l’escalier, une grande tapiserie des Gobelins, faisant partie de la série des quatres saisons (l’automne se trouve au plafond de la salle à manger) ici, c’est l’été qui représente Cérès, des moissonneurs et des enfants cueillant des fleurs. Un long miroir appliqué au centre de la tapisserie, la coupe sur toute sa hauteur et fait face au palier du deuxième étage. Ce miroir est surmonté d’une plaque de fonte, autrefois dorée, provenant d’un foyer de cheminée.
Une grande verrière ovale, encastrée dans le plancher de l’étage supérieur, éclaire la montée de l’escalier. Du centre de la verrière pend un lustre en cristal à trois lumières.
Sur le tour en bois clair de la verrière, Hugo a peint une curieuse guirlande où se mêlent des fleurs, des inscriptions, de petits personnages, des oiseaux, des papillons.
En, haut de l’escalier, une double invitation à nous recueillir : à gauche, un montage photographique dont certaines ont été souvent reproduites, Hugo sur le rocher des proscrits à Jersey, la famille à Jersey au début de « l’exil prison », la maison « Marine Terrace », les deux Adèle (mère et fille), Léopoldine et Charles Vacquerie sont là aussi ; sur la rampe en face, une statuette flamande du Xvème siècle en bois qui représente Sainte Anne tenant dans ses bras la Vierge et l’Enfant Jésus.
LE PALIER BIBLIOTHEQUE
Ce palier du deuxième étage est aménagé en bibliothèque. Victor Hugo avait accumulé à Hauteville House, dans les vitirines du palier du deuxième étage et à l’étage supérieur sur les rayons de l’antichambre du look out, plusieurs milliers de volumes et de brochures.
On connait les vers de Hugo :« J’aime un livre, je hais une bibliothèque ». Il avait pour habitude de dire aussi : « Je grappille…..je lis les livres qu’on ne lit pas ».
Il avait fait venir de France les quelques livres qui avaient échappé à la vente de son mobilier en juin 1852. Il fit des acquisitions chez les marchands de bric à brac de Guernesey, également au cours de ses voyages sur le continent. Il reçut et conserva (il gardait tout) un nombre considérable d’envois de jeunes auteurs et de démocrates de tous les pays ; la plupart de ces brochures ou livres portent sur leurs couvertures une grande lettre « r » d’une écriture appuyée : le poète note qu’il a répondu à l’expéditeur ; très souvent les pages ne sont pas coupées.
Les livres en anglais avaient fait partie de la bibliothèque de François Victor. Parmi ces livres, une des premières éditions de « l‘Encyclopédie de Diderot et D’Alembert », que l’on voit dans une des bibliothèques de gauche.
Sur le mur de droite, une très belle horloge anglaise « au gai carillon » disait Charles, indique l’heure, les jours, les mois et les phases de la lune. Une inscription reprend celle des cadrans solaires latins pour en changer le sens : « Toutes laissent leur trace au corps comme à l’esprit. Toutes blessent, hélas! la dernière guérit ».
Près de l’horloge, un escabeau peint en rouge : Hugo a gravé des fleurs, un papillon, un moineau, toute la flore et la faune des « Chansons », ainsi que les lettres HH qu’il a ensuite dorées. Ses intitiales figurent sur la planchette entre les montants.
Devant, sur un socle fait de vieux panneaux, une presse complète le mobilier.
Trois portes, à droite celles des chambres de Charles et François Victor (que l’on ne visite pas), l’une est recouverte de panneaux de couleur acajou aux personnages découpés ou dessinés, la seconde, vitrée, isolée par un encadrement doré. A gauche, une porte à deux battants recouverts d’acajou dessinés où l’on peut lire le mot « Autumno », permet d’accèder à la galerie de chêne et à la chambre dite de Garibaldi.
LA GALERIE DE CHENE
Pièce étonnante, du plus pur moyen âge romantique, qui constitue l’antithèse des salons . Au lieu des soieries et des laques, après les couleurs chatoyantes, le vieux bois, employé presque seul. D’où l’expression de Charles : « une véritable forêt de chêne », assez sombre malgré les cinq fenêtres. Aucune cloison, des stalles qui s’arrêtent à mi hauteur entre lesquelles s’ouvre un passage, si bien que cette galerie est la plus longue de toutes les pièces d’Hauteville House, pourtant la sensation d’y être enfermé est omniprésente, d’autant que le plafond y est très bas.
Dans le projet initial, Hugo songeait à faire de la galerie son appartement personnel : un cabinet de travail, une chambre à coucher. Pourtant c’est à l’étage supérieur qu’il travaillera et couchera. Il coucha que quelques temps, dans cet appartement, au cours d’une maladie assez grave.
Ce n’est qu’en 1867, que la chambre prit le nom de chambre de Garibaldi ; Victor Hugo ayant invité celui-ci à venir partager son exil à Guernesey après la défaite de Mentana en 1866. Garibaldi remercia, mais ne vint jamais.
L’entrée de la galerie de chêne est encadrée par deux colonnes torses, soutenant un linteau orné de naïades. La lourde porte est à deux battants, elle est recouverte du côté intérieur de panneaux de bois sculptés et peints, provenant probablement d’une église. Les sculptures représentent des saints, parmi lesquels ont reconnait Saint Pierre et ses clefs et Saint Paul et son glaive. Au bas des vantaux, une double inscription en lettres dorées : « Perge, Surge » (Marche, Lève toi). Sur une des colonnes est fixée une chaîne dorée, destinée à tenir la porte fermée.
De chaque côté de la porte, un vitrage à verre bosselé et un grand miroir convexe posé sur un panneau carré de soie vert et jaune. A gauche en entrant, une stalle en bois sculpté composée par Hugo ; au dossier, trois panneaux guernesiais ; sur les côtés du siège, un panneau gothique à motif dit « parchemin roulé ». Plus loin, un cabinet espagnol en bois clair, qu’on appelait « armoire de Burgos », décoré d’incrsutations de nacre et d’ivoire représentant des oiseaux, des chiens, des vases et des fleurs. Une statuette de jade et deux médaillons en agrémentent le fronton.
Sur un panneau de cuir de la même couleur que celle du bois, entre l’armoire et le plafond, cette sentence inscrite avec des clous dorés : « Les Dieux sont aux vainqueur, Caton reste au vaincu ».
Sur le mur suivant, la cheminée qui, par son aspect sévère et son ampleur massive rappelle celle du salon des tapisseries. Le mur tout entier disparaît, jusqu’au plafond, sous un revêtement de boiseries. La cheminée occupe la partie centrale, et de chaque côté, des panneaux portugais forment des placards ; dans celui de droite est inséré un superbe coffre en cuir de Cordoue.
La partie centrale de la cheminée est décorée de quatre cariatides : deux dryades et deux sylvains couronnés de fruits ; en arrière, deux vases chinois polychromes et un large miroir.
Posée entre les cariatides sur un piédestal de plaques de Delft bleues et de carreaux blancs, une charmante statuette chinoise : un homme à la peau brune, au pantalon d’un beau vert brillant ; il est appuyé sur un bâton et tient une gourde à la main ; il ouvre la bouche comme pour appeler. Il s’agit vraissemblablement d’un pâtre. Charles Hugo prétendait que c’était « un buveur d’opium en céladon, exquise figure digne de l’antiquaire le plus difficile ».
Ce n’est point la cheminée seule qui forme un monument, la table et les trois fauteuils placés devant en sont indissociables. Le fauteuil central, le plus grand, est couvert de cuir, les deux autres sont de chêne. Sur le revers de chaque dossier, Hugo a écrit en lettres capitales tracées par des clous dorés, les trois noms de sa Trinité : « Filius » (fils), « Pater » (père) et non pas « Spiritus » (esprit) mais, après s’être ravisé, « Mater » (mère). Sous le mot fils, dans un cartouche de soie, la phrase « Amatus amat » (aimé, il aime). Le mot « Pater », il va de soi, à les lettres les plus hautes. La tapisserie recouvrant le dossier du fauteuil de la mère, représente une fillette : Hugo ne pouvait pas ne pas songer à Léopoldine.
Plus sobre, le mur des trois fenêtres. Deux assemblages : une table à pieds tors qui sert de socle à un cabinet sculpté et, un coffre sur lequel est posé un bahut. Au dessus de chacun d’eux, un miroir. Les traverses supérieures des fenêtres sont cachées par ce que Hugo nommait des « frises à jour », en bois, avec les lettres V et H, puis VH entourées de deux J (initiale du prénom de Juliette Drouet, que Hugo appelait volontiers Juju ou dans ses carnets JJ), enfin H. Les lettres V er H sont gravées et peintes sur les volets de la troisième fenêtre.
Au milieu de la pièce, se dresse un lampadaire imaginé par Hugo. Sur deux socles, le second carré, plus petit, décoré de panneaux où figurent, avec Saint Pierre, Saint Matthieu, Saint Paul et Saint André, un arbre aux nombreux rameaux terminés par des bougeoirs qui sont, en réalité, des bobines de fils. Son faîte frôle le plafond : une Vierge à la tête penchée, au cou très long, statuette que Hugo a taillée de ses mains dans le style archaïque. « Le grand chandelier de bois que j’appelle « l’arbre de feu » a été fini aujourd’hui 7 mai 1859″. Hugo avait eu l’intention d’y faire mettre le gaz, mais y a renoncé.
Sur le plafond sont tendues plusieurs tapisseries, la plus imposante représente le Jugement de Pâris avec ces vers : « Juppiter avrati pacasset iurgia pomi pomi / Qui litem sedet sed Paris eligitur tur », que Hugo traduisait ainsi : « Jupiter de la pomme eût apaisé la guerre / Mais Pâris est choisi pour arranger l’affaire ».
Les deux stalles qui divisent la galerie n’ont point la même provenance. Celle qui rejoint en angle droit le mur des fenêtres, d’un gothique flamboyant, aurait appartenu à la cathédrale de Chartres, elle représente en tout cas deux écussons aux armes de la Maison de France et des Médicis. L’autre, en pan coupé sur le mur de la porte, a été conçue par Hugo et réalisée à l’aide de vieux panneaux. Un écusson présente cette fois, les armes des Hugo de Lorraine.
A chaque extrémité des stalles, soutenant la solive ornée d’un miroir où sont suspendus deux lustres auxquels Hugo fixa un aigle bicéphale, deux énormes colonnes allégoriques. Leurs sculptures, des sarments rouges et des grappes dorées sur fond noir : « Tristitia » (Tristesse); l’autre, des sarments et des raisins noirs sur fond rouge : « Laetitia » (Joie).
LA CHAMBRE DE GARIBALDI
Pour pénétrer dans la chambre, il faut passer par le portique de la Tristesse et de la Joie. Le lit est « gigantesque » notait Charles, « on ne trouverait le pareil que dans les chambres à coucher féodales ». Quatre colonnes torses. Le chevet, les bas flancs, le ciel et le pied du lit sont presque uniquement bâtis àpartir de panneaux de vieux coffres, certains décorés.
Au pied, entre deux statuettes et sous quatre têtes de personnages aux yeux bridés, un panneau, le sacrifice d’Abraham.
Au chevet, après des tritons et des naïades, une composition symbolique : en premier l’inscription « Nox – Mors – Lux » (La Nuit – La Mort – La Lumière) ; au-dessous, la tête d’un homme qui rit ; au-dessus, une tête encore, double, d’une part celle d’un homme aux yeux clos, barbu, de l’autre, un crâne. Il s’agit du pommeau de la canne que le sculpteur James Pradier (Père de Claire, fille de Juliette Drouet) avait offerte à Hugo en 1843. Toute l’existence de l’homme telle que l’entendait la Bible et Hugo est ainsi figurée par ce lit, qui de surcroît, peut pivoter et servir de cachette.
De chaque côté de ce grand lit, deux alcôves : à gauche, le cabinet de toilette, avec une petite fenêtre, un miroir et l’inscription « Error Terror » (Erreur Terreur), à droite une penderie que cache un rideau ; Hugo y a fait percer une petite porte qui met en communication directe la chambre et le petit escalier qui monte au troisième étage (rejoignant l’escalier, elle n’est pas visible du palier bibliothèque). La famille s’amusait à appeler ce passage étroit « l’escalier dérobé » comme dans Hernani.
Adossées au mur de droite, deux armoires encadrent un coffre de mariage en cuir et clous de métal doré transformé en siège. Hugo a rajouté les deux bras qui servent de « porte cartons ». Au dessus des armoires, deux panneaux en cuir où l’on peut lire : « L’esprit souffle où il veut, l’honneur va où il doit » et, « Gloria victis, Vae nemini » (Gloire aux vaincus, malheur à personne).
Au plafond, autour du ciel de lit, trois verdures dont les tons fondus se marient admirablement avec le chêne foncé. Près de l’entrée aux colonnes torses, le plafond est décoré de deux petites tapisseries carrées, probablement faites par Adèle Hugo (Adèle II ou Adèle fille). On peut notament y lire : « La sagesse est mon guide et l’univers mon livre, J’apprends à refléchir pour commencer à vivre ».